Saddle fitting: Les gonfles
Edité le 06/05/2016
Partager l'articleLes blessures et les pathologies liées au harnachement
2/ Les gonfles et les granulomes inflammatoires
Après les poils blancs du mois dernier, nous continuons d'explorer les blessures liées à une inadaptation du matériel d'équitation. On reste pour le moment au niveau local et superficiel avec d'autres types d'atteintes : les gonfles et les granulomes inflammatoires. L'un comme l'autre sont susceptibles d'être causés par des frottements et sont les témoins d'une réaction différente des tissus.
La gonfle est assez connue ; elle n'est ni plus ni moins qu'une bonne vieille ampoule. A cause de frottements appuyés répétés dans un environnement privé de la circulation de l'air, un échauffement localisé se crée. Le frottement répété engendre une séparation du derme et de l'épiderme, et une poche se crée entre les deux, emplie d'un liquide séreux incolore qui protège les couches inférieures de l'épiderme. Bien entendu, plus le frottement persiste, plus le tissu est fragilisé, et le derme en vient à se déchirer : c'est la plaie (au sens propre comme au sens figuré !). La cicatrisation d'une gonfle prend d'une semaine à 15 jours en fonction de sa gravité. Pour éviter son aggravation, il faut adapter ou supprimer le harnachement responsable.
Les gonfles se retrouvent au garrot ou au passage de sangle, plus rarement à un autre endroit. Elles sont causées par des selles qui prennent appui sur le garrot, des sangles trop avancées ou trop serrées, des tapis qui plissent... Elles apparaissent le plus souvent lors de séances prolongées, c'est pourquoi on les rencontre souvent sur les chevaux d'endurance ou de randonnée. La sacro-sainte règle qui veut que l'on marche un kilomètre avant de se mettre en selle et un kilomètre avant l'arrivée permet de prévenir leur apparition, de même que le sanglage et le dessanglage progressifs, qui laissent le temps aux tissus de s'adapter aux contraintes matérielles. Un petit coup d'oeil au « Voyage à cheval » d'Emile Brager vous renseignera merveilleusement sur la question.
On rencontre parfois des gonfles bizarres, en apparence bénignes car elles apparaissent et disparaissent très vite, sur le processus épineux du cheval ou dans sa périphérie. Il semblerait qu'elles soient liées à une instabilité en torsion de la selle. On les trouve sur des chevaux avec un fort mouvement dorsal, soit à cause d'une locomotion puissante, soit par manque de tension et de gainage de la ligne du dessus ; ou à cause d'un arçon trop flexible dans la selle, qui décale le mouvement du cavalier par rapport à celui de son cheval. Les tapis ouverts le long de la colonne vertébrale ou un amortisseur sont des solutions possibles.
Attention pour les gonfles à la sangle : beaucoup de gens tirent les antérieurs de leur cheval en croyant bien faire. Mais la plupart du temps, ils tirent d'un coup, crac, sur des muscles froids en sortie de box. Prenez plutôt le temps de faire un étirement gentil et progressif, plutôt vers le bas et l'avant que vers le haut. Souvent, ce dégagement des plis de la peau se fait avec une sangle placée trop en avant ; du coup, on tire encore plus de peau à coincer entre la sangle et le coude, et en croyant bien faire on augmente les chances de créer des problèmes !
Il faut que la sangle soit positionnée à l'aplomb du passage de sangle naturel du cheval, de largeur adaptée, que le matériau soit sain et propre, et qu'en aucun cas les boucles de la sangle ne reposent directement sur le cheval... Et surtout, surtout, que la sangle est bien ajustée et que son mouvement ne vient pas d'une inadéquation de la selle qui bascule !
Le granulome inflammatoire est un peu plus insidieux et moins bien connu. On dirait un petit kyste, comme ça, ça fait une petite boule dure à la palpation. Souvent on entend dire que c'est la trace de piqûres d'insectes, voire des varrons. C'est pas impossible, c'est seulement que quand tous les insectes piquent uniquement sous la selle, c'est quand même la faute à pas de chance. Ou que c'est du à autre chose, genre, la selle ?
Le granulome inflammatoire est un petit nodule qui se crée dans le derme sous le coup d'une condensation d'éosinophiles (des globules blancs) face à une stimulation extérieure et qui crée une sorte de noyau dur sous la peau. A l'analyse, le granulome n'est connecté à aucun corps étranger (bactérie, champignon, parasite...), c'est l'organisme lui-même qui le produit. Les études vétérinaires invoquent sans certitude une origine allergique, puisque les éosinophiles agissent ainsi pour contrer une intrusion dans le système immunitaire, ou « une origine traumatique » (cf http://www.lapvso.com/le-granulome- eosinophilique-equin/).
Si les réactions allergiques aux piqûres d'insectes ne sont donc pas à écarter forcément, l'expérience sur le terrain prouve que la selle, le tapis, l'amortisseur ou la sangle peuvent avoir leur rôle à jouer dans l'apparition et la disparition de ces nodules. On les retrouve le plus fréquemment sur des animaux aux tissus fins, proches du sang. J'ai vu ce genre de nodules sous les boucles d'une sangle mal ajustée ; sous à un tapis mal lavé et à une sangle encrassée ; à cause de matelassures trop dures ou de couteaux d'étrivières trop serrés qui rentraient littéralement dans le cheval...
Ils ne sont pas douloureux et a priori pas gênants, mais ils sont tout de même symptomatiques d'un désordre quelconque, et la suppression d'une cause potentielle peut mener à leur disparition.
Au niveau de leur traitement, s'ils sont d'origine allergique, le véto peut préconiser un traitement aux corticoïdes (encore que, parlant d'expérience en bonne allergique, les corticoïdes ne fonctionnent qu'un temps dans le meilleur des cas!) ; ou alors une chirurgie locale. Mais avant d'en arriver à ces traitements assez lourds, rechercher la cause de ces problèmes et l'éliminer ou la transformer peut être un peu plus raisonnable.
Il faut bien noter que l'objet de cet article est d'identifier les problèmes liés au harnachement. Mais ce n'est pas nécessairement l'inadaptation du harnachement en tant que telle qui crée les problèmes :
un cavalier qui se tient mal en selle (problème de posture, dissymétrie, mauvaise assiette, équilibre précaire, etc.) est susceptible d'infliger un mauvais « comportement » à son matériel, qui créera alors les problèmes. Mais la cause à incriminer dans ce cas n'est pas le matériel...
La prochaine fois, on plongera un peu plus profond dans l'impact « santé » de la selle sur le corps du cheval, avec un topo sur les impacts musculaires et ostéopathiques de la selle – et là, d'ailleurs, le cavalier aura encore plus sa part à jouer dans l'histoire.
Au fait, je réalise que dans mon approche des atteintes localisées, je n'ai pas parlé de plaies ouvertes ; mais si ça saigne, c'est pas bon hein...
Article rédigé par Eugénie Cottereau - http://www.saddlefitting.fr
Photo © SaddleFit4Life
Edité le 06/05/2016
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