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Santé

Saddle fitting: Les boiteries

Edité le 10/08/2016

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Saddle fitting: Les boiteries

Les blessures et pathologies liées au harnachement

5) Les boiteries: Mon cheval peut-il boiter à cause de sa selle ?

Souvenez-vous, je terminais mon article précédent en citant une étude vétérinaire de 2014 mentionnant que chez 800 chevaux avec des troubles locomoteurs, on observe une réciprocité entre les troubles locomoteurs (boiteries) et les douleurs thoraco-lombaires : les boiteux ont à 32% mal au dos, les dorsalgiques boitent à 74% !!!

Ma conclusion étant : « si ça boîte et que ça a mal au dos, va falloir chercher l'oeuf et la poule »... et c'est là qu'on rentre dans toute la complexité de la chose.

Les boiteries sont l'un des principaux motifs de consultation du vétérinaire pour les propriétaires de chevaux de sport ou de course, et l'un des principaux motifs de déclassement, voire de mise à la retraite (si possible en Italie - lol). Ce que l'on constate surtout, c'est que c'est un phénomène extrêmement mal compris tant de la part des cavaliers amateurs que de bon nombre de professionnels. Les réflexions à ce sujet soulignent généralement le manque de connaissances  biomécaniques et locomotrices – manque qui fait les choux gras de certains praticiens peu scrupuleux qui profitent de l'opportunité de traiter sans cesse les conséquences sans pour autant aller chercher la cause profonde. La boiterie est un nom fourre-tout dont il faut se méfier, et faire la part des choses entre dissymétrie naturelle, irrégularité pour une cause extérieure et boiterie traumatique peut sauver bien des meubles (et des porte-feuilles).

Le terme de boiterie désigne une irrégularité plus ou moins marquée de la locomotion, qui se manifeste sur un ou plusieurs membres selon la cause du phénomène. Elle affecte soit le processus d'appui du membre touché, soit son mouvement. Elle peut être la cause du mal-être, ou une conséquence – et parfois, c'est le membre opposé au membre atteint qui boite, par phénomène de compensation. Panorama assez intéressant sur le site d'un produit véto bien connu pour aller gratter la question plus en profondeur : tildren.com/fr/Les-boiteries-du-cheval.

 

Les chevaux sont structurellement dissymétriques, et c'est normal – l'ambidextrie est rarissime, pour les humains comme pour les chevaux! C'est par le travail du dressage que le cavalier peut « mettre droit » sa monture – étymologie stricte, depuis le bas latin « directiare ». Un cheval peu exercé présente donc une certaine irrégularité de locomotion, plus ou moins marquée selon les individus et l'amplitude des mouvements (plus c'est ample, plus les irrégularités sont perceptibles). Par un bon travail de gymnastique et de renforcement musculaire, que ce soit à pied ou sous la selle, le cavalier va amener sa monture vers plus de régularité. Dans certains cas, les chevaux sont tellement dissymétriques qu'ils sont franchement boiteux. Ces chevaux sont immontables et insellables en l'état et nécessitent une (ré)éducation physique spécifique, qui relève plus de la kinésithérapie qu'autre chose (cf vidéo de Marijke de Jong, une Néerlandaise spécialisée dans le straightness training).

Une irrégularité de locomotion peut être engendrée par une cause extérieure : la selle est un facteur potentiel d'irrégularité, tout comme peut l'être un mauvais sol de travail, un travail des sabots mal adapté (le High/Low, ou syndrome diagonal, est terriblement à la mode ces temps-ci), une dentisterie non suivie, un cavalier trop de guingois (la fameuse « boiterie à la main » est causée par un cavalier non conscient de sa latéralisation, par exemple). Dans ce genre de cas, il suffit de travailler sur la cause et tout rentre dans l'ordre ; en revanche, si on le laisse s'installer, on détériore profondément et durablement la posture du cheval, qui entre dans un mécanisme de compensation(s). C'est par là qu'on peut passer du stade de la petite irrégularité à la franche boiterie sans rien avoir vu venir.

La boiterie d'origine traumatique n'est pas forcément grave, mais elle apparaît soudainement et a donc un côté spectaculaire – on ne la loupe pas, contrairement à l'irrégularité qui s'installe et se dégrade progressivement. De l'abcès de pied à la fracture en passant par les tendinites ou les clous de rue, son traitement est d'ordre médical, quelle qu'elle soit. Donc, si boiterie soudaine : véto.

 

Au niveau de la selle, on retrouve, effectivement, des chevaux qui boitent dès que la selle ne leur va pas au teint. On est, à cet endroit, dans l'expression d'un traumatisme physique : le cheval réagit à une pièce d'équipement qui au mieux le gêne, au pire lui fait vraiment mal. A l'instar de nous autres humains, les chevaux ne sont pas égaux face à la douleur, et leurs réactions peuvent remplir tout un hors-série de Psycho Mag : il y en a qui ne réagiront absolument pas, certains se mettront à éjecter leur humain avec une régularité toute helvétique, d'autres ne moufteront pas mais auront le dos creux et démusclé, et enfin, un (plus ou moins) petit nombre d'entre eux boiteront à patte cassée – parfois à la seule vue de la selle, car ils anticipent la douleur.

Mécaniquement, c'est cohérent qu'une cheval boite à cause d'une selle inadaptée. Mettez des chaussures 2 pointures trop petites et allez faire votre footing, vous verrez. Vous avez forcément un pied plus fort que l'autre : celui-ci sera comprimé dans la chaussure qui sera vraiment trop petite, et vous soulagerez le pied douloureux en prenant appui sur votre autre pied, moins comprimé. Votre foulée sera vite irrégulière : vous boiterez, et la cause en sera matérielle. Enlevez les chaussures, laissez le temps à votre corps de reprendre ses esprits, et vous ne boiterez plus du tout au bout de quelques minutes. CQFD.

Ainsi, une selle trop serrée aux épaules peut entraîner une irrégularité des antérieurs, puisque les omoplates font partie intégrante du système du membre antérieur ; mais aussi des postérieurs, puisqu'en général elle opère un transfert de poids du cavalier vers la région lombaire et impacte le fonctionnement du « moteur ». Une selle trop longue (et tant qu'à faire, avec une gouttière trop serrée) aura le même résultat. Parfois c'est encore plus insidieux : si la région lombaire est bloquée et dysfonctionne, le dos n'assure plus son rôle locomoteur, le cheval entre en mode « traction avant », et finit par se mettre à boiter de l'avant-main... à cause d'un blocage arrière ! Bon en gros, si ça bloque devant, ça peut se répercuter derrière, mais pas forcément, et vice-versa ;-)

Une selle mal positionnée, à savoir placée sur la coiffe cartilagineuse qui recouvre l'omoplate (erreur extrêmement fréquente, même à haut niveau) entrave largement le bon fonctionnement des antérieurs et engendre une réelle asymétrie de fonctionnement.

Une selle bien large et bien reculée peut donc s'avérer tentante pour libérer le mouvement des antérieurs du cheval : erreur, là encore ! La selle trop large bascule toujours vers l'avant, par manque de soutien de l'arcade de garrot sur les muscles trapèzes. Or un cheval a presque toujours une épaule plus forte que l'autre : la selle va donc basculer du côté où l'épaule est la plus étroite, disons l'épaule droite : l'antérieur droit se retrouve complètement surchargé par le poids du cavalier, qui subit malgré lui le déséquilibre de sa selle. Une étude est semble-t-il en cours pour déterminer le lien entre les tendinites chroniques de l'antérieur et les selles trop larges. Mécaniquement, ça semble complètement plausible – reste à voir ce que concluera l'enquête !

La selle peut donc être la cause de problèmes locomoteurs, au delà des dégats physiologiques que nous avions évoqués dans les articles précédents ; et si la locomotion est impactée, la performance diminue... donc la selle peut, par son inadaptation, nuire à la performance du cheval.

Mais le phénomène inverse est également vrai, et les constats empiriques depuis le terrain vont dans ce sens : la selle subit le déséquilibre naturel du cheval et réagit en fonction des structures qu'elle habille.

Une étude vétérinaire de 2014 (Greve / Dyson) a circulé assez largement sur Internet et les réseaux sociaux, mettant en corrélation le phénomène de selle qui glisse latéralement et la boiterie postérieure du cheval de sport. Les stats qui ressortent de cette étude alertent notamment sur le fait que les cavaliers détectent souvent très mal une boiterie postérieure – qui est en moyenne d'un grade 2 sur 6, soit peu évidente à détecter pour qui n'est pas spécialiste. Lorsque l'on procède à un diagnostic de la boiterie par anesthésie locale étagée, le glissement s'arrête (c'est souvent lorsque le postérieur responsable est à l'extérieur du cercle et au trot enlevé que le phénomène est le plus marqué, et avec un cavalier léger et / ou qui ne compense pas).

Jochen Schleese, un sellier et ergonome équin très pointu (à l'initiative de la formation SaddleFit4Life que j'ai suivie), soulève néanmoins les limites de cette étude : pour lui, ce n'est pas réellement une boiterie qui cause le phénomène de selle qui glisse, mais la dissymétrie naturelle du cheval qui cause un mouvement plus restreint de l'un des bipèdes diagonaux par rapport à l'autre. En réalité, la selle ne glisse pas latéralement : elle vrille, à savoir qu'elle pivote sur le dos du cheval. Une selle qui glisse latéralement est souvent trop longue, or le phénomène de selle qui vrille apparaît même avec une selle dont la longueur est adéquate. On ne serait alors pas confronté à un problème de boiterie qu'il faudrait gérer comme tel avec moult produits miracles et ferrures orthopédiques virtuoses, mais à un phénomène naturel qu'il convient de gérer à la fois par l'adaptation du matériel et par un travail équestre adéquat...

Bon, en conclusion, on en revient à l'oeuf et à la poule : une selle inadaptée peut faire boiter un cheval, et une selle, même adaptée, peut révéler la dissymétrie d'un cheval en ne restant pas droite. Une selle « qui se comporte mal » renforcera les dissymétries et amènera, la fourbe, à la réelle boiterie par manque de correction à temps. D'où l'intérêt de travailler en amont du problème par un réglage bien spécifique de la selle, puis de travailler au quotidien à surveiller l'évolution de l'animal vers la rectitude...

 

Ah attends, j'ai pas parlé de la sangle. En bref : sangle mal adaptée ou mal positionnée, qui bloque le sternum et les pectoraux = sangle qui peut faire boiter. Y aurait de quoi écrire un article et publier des thèses, mais là j'ai pas le temps, j'ai plage. La prochaine fois, on abordera la question de fond que soulève réellement cet article : la nécessaire répartition du poids du cavalier sur le dos du cheval pour ne pas gêner son mouvement ni devant, ni derrière, ni sur les côtés ; et le rôle primordial de la selle dans l'histoire.

 

Article rédigé par Eugénie Cottereau - http://www.saddlefitting.fr

Edité le 10/08/2016

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